Genesis Maldonado

6 mai 2004 – Dans la cour d’école derrière le petit bâtiment d’entrepôt.

« Genesis a des gènes de gros, Genesis a des gènes de gros », répéta Lukas en s'esclaffant, pour me torturer psychologiquement.
  « C’est ça que tu veux, grosse cochonne ? », me demanda Melly, secouant une barre de chocolat devant mon visage.
  Quelqu’un me poussa brutalement dans le dos. J’atterris durement au sol, m’écorchant les genoux et les mains en même temps. Leur rire résonna jusqu’à moi, tandis que je commençai à sangloter.
  « Oh, t’as des gènes de pleurnicheuse en plus, Genesis », se moqua Emilia.
  « Même si t’es une grosse pas belle, je vais te faire plaisir », m'annonca Lance en me tournant sur le dos. « Profite, car personne d’autre te fera cette faveur, tellement tu es une mocheté ».
  Il grimpa sur moi à califourchon. Je pleurai et m’agitai pour qu’il se soulève et qu'il me laisse tranquille. Les complices regardèrent, gloussant devant la scène. Que faire lorsque des étudiants quatre ans plus âgés s’en prennent à toi ? Rien du tout. Tu subis et te tais. La peur au ventre, je tentai de hurler. Peut-être un élève dans la cour ou même un professeur m’entendrait. Sauf que Lukas vint se placer derrière ma tête et plaqua ses mains à l’odeur de cigarette sur ma bouche. Emilia sortit un canif de ses poches l’ouvrant dans un clic qui me fit tressaillir. Ça y est, on va me tuer parce que je suis une grosse qui ne mérite pas de vivre. Je suis trop laide pour avoir ce droit. Elle s’avança vers moi. J’essayai de crier, mais le son s’abattit contre la paume de Lukas. Elle se pencha et découpa mon chandail, dénudant ainsi ma poitrine. Malgré que j’eusse une brassière, j’avais honte.
  « Tu crois qu’à son âge on peut nommer ça des seins ? », s’enquit Lukas.
  « C’est juste du gras, c’est certain », affirma Melly en pouffant.
  Celle qui avait découpé mon chandail agrippa mes seins bien que je secouasse la tête pour refuser qu’elle me touche de la sorte. Lorsqu’elle cessa, elle partit d’un fou rire avec son amie.
  Je compris ce que l’on allait me faire quand je sentis le bouton de mon jean sauter. Lance descendit mon pantalon avec ma petite culotte. Cette situation sembla bien l’amuser de même que pour les autres. Je lançai un regard de supplication aux filles pour qu'elles me viennent en aide, qu'elles leur disent qu'ils allaient trop loin. Mais Melly déboucha sa barre de chocolat et commença à la manger comme si elle était devant un bon film au cinéma. Quant à Emilia, elle pianotait sur son téléphone portable comme si elle était assise au calme dans son canapé.
  Puis la douleur fut.
  Sidérante.
  Violente.
  Atroce.
  Les larmes inondaient mes tempes et mes pleurs étaient toujours étouffés par les mains de Lukas. À un moment, je fermai les yeux en espérant qu'à l'instant où je l’ai rouvrirais, tout cela serait terminé.
  J’ai attendu que Lance finisse. Et uniquement lorsque seuls le silence et la solitude m’engloutirent, je m’autorisai à soulever les paupières. Je n’entendais même plus les échos de rire des enfants qui s’amusaient dans la cour. La récréation était passée. J’étais censée être en classe.
  Je pivotai sur moi-même me positionnant à quatre pattes pour me permettre de vomir. Je ravalai un hoquet de sanglot. Mes membres tremblèrent quand je relevai mon pantalon.
 Je me sentais vide. J’avais l’impression que mon corps ne m’appartenait plus, qu’il était sale. Je le détestais encore plus que jamais.

11 juin 2004 – À l’hôpital.

« À quoi tu pensais, Genesis ? », questionna ma mère avec hargne.
  Je détournai le regard. Je n’avais pas envie de la voir. Elle m’avait toujours méprisée. Comme tout le monde, finalement. Personne ne m’a jamais aimée. Elle agrippa mon visage entre ses doigts, m’obligeant à la fixer droit dans les yeux.
  « Tu me fais honte », lança-t-elle.
  « Je te ferais plus honte, si tu m’avais laissé mourir comme je le voulais ». Je me récoltai une claque sur une joue à cause de mon affront.

1 juin 2008 – salle de gym.

Plus personne ne se moquera de moi.
  Plus personne n’osera me rabaisser.
  Je vais devenir celle que j’ai toujours désiré être.
  Tous ceux qui viendront vers moi lors de mon résultat final pourront aller brûler en enfer. Je les expédierai avec un doigt d’honneur.
  Que tous ceux qui voudront me marcher sur les pieds connaîtront les foudres de ma colère.
Et je démolirai quiconque se met au travers de mon chemin.
  Celle que je deviendrai n’aura dépendu que de mes efforts personnels, car je ne peux compter sur personne à part moi-même.